Association des Acteurs de Développement (ADEV)

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Journées de la fille Bahouan

                                    CONFERENCE DEBATS

               

THEME :  Enfants-Parents: Droits et Devoirs

 

Tout  débat sur les rapports entre les parents et les enfants nécessite une lecture de leurs droits et devoirs, en s’attardant un temps soit peu sur le sens de chaque terme.

En effet, dans le langage des sciences de la vie, l’enfant est un individu dont l’âge se situe entre la naissance et la puberté, laquelle période marque sa maturité, par son aptitude biologique à la procréation. Selon l’article premier de la convention internationale des droits de l’enfant, « un enfant s’entende tout être humain, âgé de moins de dix-huit ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt, en vertu de la législation qui lui est applicable ». La législation camerounaise portant sur les élections fixe la fin de l’enfance à 21 ans. Par contre, les réalités sont toute autre chose. L’enfant africain ou camerounais a souvent l’âge de ses aïeux et certains parents, l’âge d’adolescence ou, sans euphémisme, l’âge de l’enfant. D’où la difficulté de définir ce concept fréquent en psychologie et aujourd’hui l’outil des ONG. Or, ceci doit-il nous embrigader dans la considération de l’enfant comme un inapte à la pensée et à la parole et condamné à subir servilement le diktat parental ? Car, dans la langue de Socrate, le terme est composé de « in », préfixe de négation, et de « fans » qui signifie parole, verbe ou opinion, faisant de l’enfant un incapable de penser, de parler. 

En ce qui concerne le mot parent, il vient anthropologiquement de « patern » qui signifie patron, guide et par extension élite dans le sens de modèle. Un parent est un Homme avec grand H c’est-à-dire un être responsable, mature par la qualité de sa pensée, de sa parole et de ses actes. Il est amour et raison. Dans le contexte africain, tout parent se reconnaît par l’existence des enfants sous sa charge, pouvant être naturels, légitimes, adoptés ou tout simplement à charge. Cette caractéristique procréatrice est au centre de cette définition car le père n’est pas parent de sa femme, ou la mère parent(e) de son époux. D’ailleurs, du latin « parere », qui veut dire enfanter, être parent veut dire avoir produit un être à l’image de Dieu. L’on est parent par rapport à un enfant. Cependant, pourquoi la nécessité d’imposition des droits et devoirs entre deux entités humaines liées par un unique cordon ombilical ? L’enfant est-il devenu une matière première à utiliser par l’entreprise qui est le père ? Ou, paradoxalement, pour avoir fait de lui le père de l’homme, les parents doivent recevoir indignations et humiliations comme si pour la panthère, la récompense d’une bonne action en est une mauvaise ?

C’est en terme de conflit ou jeu de pouvoir dans un contexte de pauvreté et de mondialisation liée à la modernisation, et en terme de socialisation que nous  posons le problème des interactions entre les parents et les enfants, en nous fondant sur les documents des droits de l’homme. Car, fixer les normes c’est reconnaître l’existence d’un dysfonctionnement préalable ou chercher à en prévenir afin de l’éviter. Mais avant, quels sont les droits et les devoirs de chacun ? Ensemble des privilèges dont bénéficient les membres d’une société à l’égard d’eux-mêmes et de la société, les droits de l’homme diffèrent de leurs devoirs, compris comme obligations de l’homme envers lui-même et la société. En effet, tout enfant, précise la Convention Internationale des Droits de l’Enfant du 20 novembre 1989, ratifiée par le Cameroun, (a droit à la protection et aux soins nécessaires à son bien-être ( art.3-2), à la santé, à l’éducation, à une identité, au repos et aux loisirs, au jeu et aux activités récréatives  propres à son âge, à toutes les libertés prévues dans cette convention notamment d’opinion, d’association, de participation à la vie artistique et culturelle (art. 12, 13-1, 14-1, 31). En somme, l’enfant a un droit inhérent à la vie, et à son développement (art.6), y compris le droit d’acquérir une nationalité, de connaître ses parents et d’être élevé par eux (art.7-1)). Il a aussi le droit de ne pas être séparé de ses parents contre son gré, à moins que les autorités compétentes ne décident autrement, dans son intérêt supérieur, mais, d’entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents (art.9-1,3).

Quant à leurs devoirs, (notons que les enfants ont le devoir d’assister leur parent pour leur propre protection, de préserver le patrimoine familial, respecter les parents et leurs droits (artr.13-2a). La Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples du 27 juin 1981, entré en vigueur le 21 octobre 1986 y est plus strict et explicative en son article 29 : préservation du développement harmonieux de la famille, respect à tout moment des parents, services à la communauté, renforcement des valeurs culturelles)etc… Peut-on dire autant en ce qui concerne les parents ?

 

Puisque les parents sont eux-aussi fils et/ou filles d’autres parents, ils bénéficient des mêmes droits que les enfants, mais à l’égard de la société. Ces droits  et devoirs sont contenus aussi bien dans la Charte Africaine que dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme du 10 décembre 1948, complété en 1966, et quelques conventions structurant le fonctionnement de la vie intrafamiliale. Leurs devoirs y sont également prévus et sont basés sur le principe de responsabilité et de socialisation de ses membres, entendue comme le processus par lequel les individus apprennent et intériorisent tout au long de leur vie, les éléments socioculturels de leur milieu à la structure de leurs personnalités, afin de mieux s’intégrer dans l’environnement où ils vont vivre. Si les relations entre les parents et les enfants sont régies par des privilèges et obligations, quels sont les fondements du déphasage observé quant au respect de ces lois ?

La première réponse est la qualité de socialisation reçue. En fait, la famille est le premier agent de socialisation des individus qui la constituent. Ce sont les parents, acteurs fondamentaux de ce processus qui, dès la naissance de l’enfant, le reçoivent, lui imprègnent les premières griffes de son intelligence ainsi que tous les savoir, savoir-faire, savoir-vivre et savoir-être qui sont par ailleurs les plus indélébiles et les souvenirs les plus nostalgiques. Ils ont, pour ainsi dire, la charge de la formation et de l’éducation des enfants, stratégie de leur préparation dans leurs rôles futurs, c’est-à-dire des nouveaux parents. Au terme du processus – même s’il ne fini jamais en réalité – disons plutôt quand l’enfant aura atteint l’âge de maturité prévue par la loi,  s’il adopte des attitudes loin d’un rapport pacifique avec ses parents et les autres membres de la société, la cause sera que, soit sa socialisation est ratée : dans ce cas l’on comprend pourquoi certains parents disent à répétition « tu n’es pas mon fils ou ma fille » ; soitil a reçu une éducation le prédestinant à son comportement déloyal, pourfendeur, irrespectueux, arrogant, insolent, paresseux bref délinquant. Ceci peut s’expliquer par l’indisponibilité et l’irresponsabilité des parents, ayant pour conséquence l’abandon de l’enfant et l’influence d’autres agents de socialisation comme les institutions scolaires et religieuses, les groupes de pairs ou amis. Ceux-ci ne sont pas dangereux naturellement, mais certains le sont ou le deviennent, surtout lorsque l’on constate la vulnérabilité et alors la malléabilité d’un enfant. Les églises réveillées et les faux amis sont les champions de leur détournement. Ceci s’empire avec la modernisation qui crée des enfants passionnés, même oiseusement par Shakira, Lady Gaga, Lile Wayne, Eza Boto non pas de Mongo Béti, Messi ou Eto’o, des enfants aussi capitalistes que des industriels européo-américains par leur amour de l’argent et du confort, au détriment d’autres valeurs humaines. L’école et la démocratie y sont pour quelque chose. A peine a-t-il dépassé le primaire élémentaire que le jeune scolarisé dit ne plus comprendre ses langues d’origine, puisqu’il y en a toujours beaucoup au Cameroun, à l’intérieur d’une même famille. De même, pour avoir suivi à la télévision dire que les enfants ont des droits et, refusant suivre la partie concernant les devoirs, il devient plus exigeant et moins tolérant vis-à-vis de ses parents dont il maîtrise leur pauvreté matérielle. En revanche, certains parents pauvres exagèrent, ce qui conduit parfois à l’égoïsme envers leurs propres enfants et un blocage de leur avenir. D’autres par contre ont soulé et souillé leurs enfants à partir de leurs richesses matérielles.  En outre, dans un contexte de pauvreté, tout tourne plus noir, les éperviers n’ont plus de cravate blanche. La misère des parents aura fait de certains des puissants  géniteurs qui, par la cause de la conséquence, préfèrent accoucher plus, dans une absolue ou relative exploitation et ponction des forces de sa progéniture pour répondre à la pauvreté de son jeune âge ancien. Seulement, que deviendra l’enfant qui a vieilli à 16 ans à cause d’une telle torture à laquelle il ne serait même pas conscient à cause des stéréotypes discriminatoires construits par le « patern » et parfois même pluri-affichés dans tous les passages de la maisonnée comme nous l’avons vu à Obili et à Mendong. Ici, la première loi est « femme et enfants, soumettez vous et soyez à l’absolue disposition du père alors représentant de Dieu dans la maison ». La règle suit son cours : « fille, cherchez vos maris à temps, car vous êtes les biens du père et rien d’autres de son patrimoine ne vous appartiennent ». Un tel pouvoir phallocratique est encore plus discriminatoire chez la jeune fille qui, souvent confinée dans le « inside » ne maîtrise que le « bedroom » et le « kitchen ». Cependant, le couteau de la pauvreté est doublement tranchant. Ici les parents ont dominé, là est le tour des enfants. L’extrême pauvreté de certaines familles a fait de leurs progénitures des nouveaux empereurs et rois malheureusement différents de Soudiata Keita. Il a été à l’école ou surtout non, il a acquis un héritage matériel ou surtout non, celui culturel et physique certainement, son jeune âge lui permet de gagner un régime de banane et un fagot de bois chaque jour, il lui est donné l’occasion de narguer à son tour son ancêtre vivant qui, hier, n’a pas pu le scolariser ou l’a fait. Puisque c’est lui qui rationne, il est devenu le maître de la maison sur tous les plans du registre africain. Ceci veut dire que c’est à lui que reviennent l’honneur, le respect, la soumission et tout pouvoir de décision, au détriment de ses parents désormais spectateur passifs. Est-ce attester ironiquement quel’enfant doit rester un « infans » et les parents des « patern » ? Faut-il détruire tous ces droits et devoirs de la famille et de ses composantes ?Que faire en dernière analyse pour limiter ces disparités entre les âmes d’un sang unique ? 

A la première question, la réponse est négative car le droit à la parole est un bien inaliénable de tout être humain et il est douloureux pour un parent de se rendre compte que son fils ou sa fille est naturellement ou de manière provoquée inapte à la parole par sa surdité ou son statut de muet. Par ailleurs, le parent peut être patern au sens de modèle responsable même sans être le « parens », de parere, géniteur. Reconnaissant les conflits symboliques et manifestes observés dans les familles, l’institutionnalisation des droits et devoirs des parents et des enfants est une nécessité pour le maintien de la vie intra et extrafamiliale. Loin de les rejeter, nous devons les promouvoir et c’est l’une des missions de l’ADEV pour qui nous sommes ici. Pour réduire les disparités qui ont cours dans les familles, chaque composante devra lire régulièrement et pratiquer le contenu des documents sur les droits de l’homme, de la famille et des enfants que nous vous offrons en ce jour, pour qu’il existe des interactions harmonieuses et épanouies entre les parents et les enfants, et surtout centrées sur la revalorisation de la jeune fille généralement plus vulnérable mais gardant son sens maternel et d’amour. Les parents doivent jouer leur rôle de socialisateurs de première catégorie, disponibles et responsables. Les enfants à leur tour doivent les aider à accomplir leur mission tout en accomplissant la leur, en assistant ceux-là dans leurs travaux et décisions, en les respectant, en les comprenant et leur portant secours pendant les moments difficiles. Peu importe la société, ces droits et devoirs n’ont pas besoin de contexte. La pauvreté n’est qu’un bouc émissaire. Mères et pères, aimez vos enfants et, quant à vous enfants, adorez vos parents. Tous soyez toujours unis car un seul ongle ne peut tuer un pou et une seule main ne peut attacher un bon paquet.

 

 

                                                                                                           NGUEULIEU ELIAS PERRIER, SG2 de l’ADEV.

 

 



16/05/2014

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